Une vue d’ensemble des prix de transfert au Vietnam

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Écrit par : Filippo Bortoletti

Traduit par : Kenza Maazoun et Timon Lombard

Une multitude de sociétés étrangères délocalisent leurs productions au Vietnam et confient la gestion des questions administratives, financières et commerciales à leurs antennes locales sur place. Toutefois, l’administration financière d’une société nécessite l’assurance du respect des principes de pleine concurrence et de prééminence du fonds sur la forme.

Avant la parution du « Décret 20 » daté du mois d’avril 2017 et intitulé « Dispositions sur l’administration fiscale des entreprises ayant des transactions avec des entreprises associées », la règlementation vietnamienne sur les prix de transfert semblait laxiste. Les investisseurs pouvaient s’implanter sur le marché sans se soucier des politiques relatives aux prix de transfert

Aujourd’hui, tant les entreprises envisageant un investissement au Vietnam, que les sociétés déjà implantées au Vietnam, ont le devoir de se conformer à la stricte réglementation issue du « Décret 20 ». Cette réglementation est basée sur les directives de l’OCDE et les actions du projet « Erosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices » (BEPS).  

La clé de la conformité au Vietnam

Il existe une homogénéité au niveau des règles sur les prix de transfert au niveau mondial dans la mesure où elles sont fondées sur une approche et des principes communs. Naturellement, il existe des différences mineures entre les règles vietnamiennes et celles d’autres pays, toutefois l’esprit de la réglementation reste identique.

Avant la parution du « Décret 20 », les règles en matière des prix de transfert veillaient au respect de principe du « prix de pleine concurrence » et ses fondements. En conséquence, le plus grand impact du « Décret 20 » réside dans l’introduction du principe de la prééminence de la réalité sur l’apparence. Lors de l’établissement de leur chaîne d’approvisionnement, les investisseurs étrangers doivent s’assurer du respect de ce nouveau principe. Le principe de prééminence du fond sur la forme consiste pour les autorités fiscales à regarder au-delà des formes juridiques des transactions et des structures opérantes, pour considérer et analyser leur substance économique.

Les impacts pratiques

De nombreuses sociétés délocalisant leurs sites de production au Vietnam souhaitent établir une relation de sous-traitance avec leur filiale sur place. A ce titre, elles opèrent uniquement à travers leurs filiales, la société mère facturant mensuellement à sa filiale les prestations commerciales qu’elle lui fournis pour le développement des ventes au Vietnam.

Selon le principe de prééminence du fond sur la forme, ces prestations commerciales devraient contribuer à la création des résultats d’exploitation ou d’autres revenus pour la filiale vietnamienne. Par conséquent, les dépenses liées aux prestations commerciales ne seraient pas des charges déductibles lors du calcul du bénéfice imposable de la filiale vietnamienne.

Parallèlement, si cette même filiale vietnamienne était engagée dans des activités de vente, alors ces services commerciaux seraient en conformité avec le principe de prééminence du fond sur la forme. Ainsi, les dépenses seraient déductibles si les prix étaient fixés en respectant le principe du « prix de pleine concurrence », c’est-à-dire le prix du marché.

Toutefois, certaines sociétés pourraient tenter d’entrer dans des relations plus compliquées avec leurs filiales. Une multinationale peut par exemple interposer une entité vietnamienne dans des transactions entre deux autres filiales qui sont des résidentes fiscales de pays qui n’ont pas signé de traité prévenant une double imposition.

D’après le principe de la prééminence de la réalité économique sur la forme juridique, les transactions entre entreprises liées devront avoir une fonction spécifique (mise à part la déduction de la charge fiscale) et un effet économique (autre que l’effet fiscal) afin d’être acceptées par les autorités. Dans ce cas d’espèce, les dépenses non connexes ou non liées devraient être déductibles du revenu imposable de l’entité vietnamienne.

Enfin, dans le cadre d’une planification fiscale, il est opportun de noter que le Décret 20 introduit une limitation de la déductibilité des intérêts de prêt. Dorénavant, ces derniers ne doivent pas excéder 20% du capital avant intérêt, des taxes, des dépréciations et amortissements (EBITDA). Cette mesure vise les structures avec une capitalisation restreinte, étant donné que le Vietnam manque de réglementation sur la capitalisation restreinte. Néanmoins, le Ministère des Finances souhaiterait une réglementation sur la capitalisation restreinte dans le but de limiter la déductibilité des frais d’intérêts si les dettes dépassent le ratio de fonds propres.

Comment se conformer aux règlementations portant sur les prix de transfert ?

Les contribuables au Vietnam, qui procèdent à des transactions avec des entreprises liées, ont un nombre d’obligations issues du Décret 20. Ces dernières ont été résumées ci-dessous :

Formulaires

Au Vietnam, les entreprises qui contractent avec des entités liées doivent révéler leur lien et leurs transactions dans leur déclaration fiscale annuelle. 

Les contribuables soumis à la réglementation sur les prix de transfert ont l’obligation de remplir le formulaire 01 joint au Décret 20 afin de révéler les transactions liées aux prix de transfert et la valeur de ces contrats. En outre, les contribuables sont dans l’obligation de transmettre le prix de ces transactions résultant du principe de pleine concurrence et ceci afin de faire une comparaison.

Le délai de transmission est de 90 jours après la fin de l’année fiscale. Ceci peut paraitre complexe étant donné la courte durée dont les entreprises disposent pour collecter et comparer les informations et les données. Aussi, une planification rigoureuse et conforme aux règles est requise.

La documentation actuelle

La documentation contemporaine en matière des prix de transfert vise les documents des transactions et relations et les contrats entre le contribuable et les entreprises liées, ainsi que les politiques mondiales de prix de transfert et l’allocation des profits entre membres d’un groupe.

Les contribuables qui atteignent des niveaux spécifiques doivent, selon le Décret 20, préparer et maintenir une documentation ponctuelle sur leurs prix de transfert. Cette documentation ponctuelle est composée d’un dossier local (local file), d’un dossier global (master file) et de rapports pays par pays. Le dossier global est composé d’informations générales sur le groupe décrivant notamment les activés et transactions entre les sociétés du groupe, ainsi que la politique de prix de transfert en vigueur. Le dossier local contient les informations spécifiques à la société considérée expliquant son activité et justifiant sur cette base de la ou des méthode(s) de prix de transfert appliquée(s).

Le dossier global et les rapports par pays seront préparés par les sièges sociaux car ces derniers ont accès à l’ensemble des informations nécessaires. Les documents doivent être déclarés en remplissant les formulaires 02, 03 et 04 annexés au Décret 20.

Les possibilités d’exemption de l’obligation de documentation ponctuelle

D’après le Décret 20, les entreprises sont exemptées de préparer la documentation sur les prix de transfert si une des conditions suivantes est remplie :

–      Le chiffre d’affaires est inférieur à 50 milliards de dongs VND (2 millions de dollars USD) et la recette totale des transactions entre entreprises liées est inférieure à 30 milliards de dongs VND (1.5 millions de dollars USD) ;

–      Participer à un accord préalable sur les prix et présenter annuellement des rapports en application de l’accord préalable sur les prix de transfert ;

–      Exercer des fonctions simples, des ventes inférieures à 200 milliards de dongs VND (10 millions de dollars USD) et avoir un certain pourcentage d’excédent brut d’exploitation. Pour le secteur de la distribution, le pourcentage minimum est de 5%, de 10% pour la manufacture et 15% pour la transformation en sous-traitance.

Audits

Dans le cadre des audits sur les prix de transfert, les contribuables auront 15 jours ouvrables pour transmettre la documentation sur les prix de transfert. Préalablement à cette étape, ils auront 30 jours ouvrables pour transmettre ces documents dans le cadre de la procédure de consultation précédant l’audit.

Risques et pénalités

Si les autorités fiscales considèrent que les transactions n’ont pas été tarifées selon le principe de pleine concurrence, elles réévalueront la valeur de la transaction et l’impôt qui en résultera. De plus, d’après le principe de prééminence du fond sur la forme, les coûts résultant des services rendus pour l’unique but de fournir des bénéfices ou des valeurs aux autres entreprises liées ne seront pas éligibles à une déduction sur le revenu imposable.

Les entreprises peuvent aussi être responsables pénalement en cas d’évasion fiscale. Les autorités fiscales publient le détail des sociétés qui ne sont pas en conformité ou qui détiennent des irrégularités dans leurs rapports, sur le site internet national et provincial. Ceci constitue un risque pour la réputation de toute société en situation de non-conformité.

La gestion des risques

A la lumière des récents événements, les règles locales sur les prix de transfert et l’intérêt mondial croissant pour les prix de transfert, il est primordial que les entreprises prennent les mesures qui assurent une gestion des risques conforme et efficace. Il existe une gamme de mesures que les entreprises peuvent appliquer, telles que :

–       Bien communiquer : les entreprises ont tout intérêt à révéler les informations sur leurs relations avec des entreprises liées et leurs transactions dans les formes prescrites et en accord avec les échéances nécessaires ;

–       Evaluer les risques : l’atténuation des risques passe par une vigilance permanente, en revoyant les transactions interentreprises et en établissant un plan garantissant une solide stratégie en matière de prix des transferts ;

–       Préparer la documentation ponctuelle : les contribuables franchissant les seuils prévus par la loi se trouvent dans l’obligation de tenir une documentation ponctuelle. Pour les entreprises n’atteignant pas les niveaux légaux, il est conseillé, d’une part de documenter les transactions avec des entreprises liées, et d’autre part de se mettre dans la capacité de justifier le bien-fondé des transactions, dans le cas où elles recevraient des requêtes ou des notifications d’audit de la part du bureau fiscal ;

–       L’accord préalable sur les prix : les contribuables ont la possibilité de gérer proactivement leur profil de risque en matière de prix de transfert en adhérant à un accord préalable en matière de prix de transfert avec les autorités locales. Un accord préalable sur les prix est un document engageant sur les modalités de taxation des prix de transfert.

Les points à retenir

Au vu de la récente implication d’une part, de l’OCDE notamment par son programme intitulé « Erosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices » et d’autre part, du gouvernement vietnamien et son Décret 20 en matière de fiscalité et des prix de transfert, les entreprises font l’objet d’un examen scrupuleux lorsqu’elles traitent avec des entreprises liées. Il est important que ces sociétés sollicitent un conseil fiscal approprié afin d’avoir l’assurance qu’elles sont en conformité avec la réglementation locale et que des mesures d’atténuation des risques ont été mises en place.

 

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